Sergeï Chtchoukine
PORTRAIT DE SERGEÏ CHTCHOUKINE (1854-1936)
MÉCÈNE VISIONNAIRE DE L'ART MODERNE

La collection de Sergeï Chtchoukine incarne l'art le plus radical de son temps. Il a construit sa légende en restant à la pointe de la modernité malgré les moqueries de la grande bourgeoise réactionnaire moscovite. MyStudiolo retrace la vie de cet homme audacieux dont la collection a influencé l'émergence de l'avant-garde russe :
6 dates clés 4 oeuvres 3 anecdotes 1 citation
1854 Né au sein d'une famille de riches marchands, Sergeï est le troisième d'une fratrie de dix enfants. Trois de ses frères deviendront aussi collectionneurs. Il est envoyé en Allemagne pour étudier l'industrie textile.
1890 Malgré son bégaiement, il se révèle le plus doué des frères et prend la succession de la firme I.V. Chtchoukine & Fils. Il excelle tant dans le domaine de l'industrie qu'il est surnommé le "ministre du commerce" de Moscou.
1897 Passionné d'art, il découvre la scène artistique parisienne grâce à son frère Ivan qui tient un salon brillant où se presse toute la fine fleur de l'intelligentsia de l'époque. Il rencontre les marchands Ambroise Vollard et Paul Durand-Ruel et achète son premier Monet avant de se tourner vers des choix plus hardis comme Cézanne et Matisse.
1908 Les deux années précédentes ont été terribles. Il a perdu deux fils, sa femme et son frère Ivan. L'Art agit comme un baume. Avec une grande rapidité, il invente une collection inouïe où se mêlent des toiles de Gauguin, Picasso, Degas, Van Gogh, Rousseau ou encore Pissaro. ll ouvre gratuitement son palais au public et les amateurs d'art s'y précipitent.
1918 Durant la révolution d'Octobre, sa collection est confisquée puis nationalisée par un décret de Lénine. Le Palais Troubetskoï devient alors le premier musée d'art moderne occidental. Le partage de sa collection en 1948 entre le musée Pouchkine et le Musée de l'Ermitage et son interdiction d'exposition ont plongé son nom dans l'oubli.
2016 Sa collection est enfin réunie et s'expose hors de Russie pour la première fois à la Fondation Louis Vuitton à Paris. L'exposition Icônes de l'Art Moderne - La Collection Chtchoukine, élue événement culturel de l'année, dévoile l'audace de ce collectionneur visionnaire à travers 130 oeuvres.
Claude Monet, Les Rochers à Belle-Ile, 1886
Henri Matisse, L'atelier rose, 1911
Paul Gauguin, Eh quoi, tu es jalouse?, 1892
Vincent Van Gogh, Lilas, 1889
ANECDOTES
Grâce au galeriste Vollard et aux Stein, le mécène s'est entiché de Picasso et Matisse dont il achète respectivement 50 et 41 toiles car il comprend qu'ils révolutionnaient l'art. Il va parfois à l'encontre de ses propres goûts comme avec le portrait à l'éventail de Picasso qui lui donne "l'impression de mâcher du verre pilé".
Les jeunes peintres russes sont subjugués par l'audace du collectionneur. Les Larionov, Goncharova, Tatline, Petrov-Vodkine, Grigoriev, Malevitch puisent leur inspiration sur les murs du palais Chtchoukine, le cubisme russe et ses successeurs, le modernisme et le suprématisme, sont nés là.
Le décret de Staline en 1948 ordonnait la dispersion ou la simple destruction de sa collection. Il a fallut toute la réactivité et l'entregent des directeurs des musées Pouchkine et de l'Ermitage pour obtenir qu'à des fins "d'étude d'histoire de l'art" par la communauté scientifique, les oeuvres soient réparties, et cela en une seule journée.
« On dit que je fais du tort à la Russie en achetant vos tableaux. »
écrit Chtchoukine à Matisse.
Retour sur l'exposition Icônes de l'Art Moderne - La Collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton