Daniel-Henry Khanweiler
DANIEL-HENRY KHANWEILER (1884- 1979)
COLLECTIONNEUR VISIONNAIRE & PROMOTEUR DU CUBISME

Marchand d'art, écrivain et critique d'art au parcours exceptionnel, Daniel-Henry Kahnweiler avait conscience que son expérience était unique dans l’histoire de la culture moderne : déceleur d’une révolution picturale, il devient le marchand d'art et le promoteur des quatre mousquetaires du cubisme : Picasso, Braque, Juan Gris et Derain. MyStudiolo retrace la vie de visionnaire qui sut saisir l’enjeu du cubisme, mouvement s’affranchissant du réel et de la perspective : 6 dates clés 4 oeuvres 3 anecdotes 1 citation
1907 Issu d'une famille juive de la bourgeoisie allemande, Daniel-Henry débarque à Paris pour ouvrir sa galerie. Il acquiert ses premières œuvres au Salon des indépendants où les fauvistes sont bien représentés et où les cubistes font leurs débuts. Les oeuvres de Maurice de Vlaminck, André Derain et Braque retiennent tout particulièrement son attention. Son idée fixe : défendre les artistes de sa génération.
1908 Sur les conseils de son compatriote Wilhelm Uhde, Kahnweiler visite l’atelier de Pablo Picasso. Il découvre dans un coin une drôle de toile : Les Demoiselles d'Avignon. Il est subjugué par la rupture et la puissance de cette oeuvre avec ses cinq femmes nues aux corps déformés. Débute une collaboration qui perdurera, avec des arrêts, jusqu’à la mort de l’artiste.
1914 La guerre éclate. Refusant de combattre la France, Kahnweiler est déclaré déserteur. Il s'exile en Suisse et écrit de nombreux textes sur l'art. Ses biens et sa galerie sont placés sous séquestre car considérés comme "biens allemands". Au fil du conflit, faute de liquidités, il ne peut plus assumer les salaires de ses artistes. Le voilà obligé de les laisser filer vers d'autres marchands.
1920 Kahnweiler ouvre une nouvelle galerie rue d'Artstog sous le nom de son associé : la galerie Simon. Tout son travail de marchand est à refaire. Il revient pourtant sur le devant de la scène et surmonte également les crises économiques de 1922 et 1929. Il récupère ses peintres et accueille une nouvelle génération d'artistes : André Beaudin, Eugène de Kermadec et surtout André Masson, point de contact avec le surréalisme. Seul Picasso manque à l'appel.
1921 À Drouot a lieu la vente des tableaux de Kahnweiler saisis pendant la guerre. Des centaines d'oeuvres signées Vlaminck, Derain, Picasso, Braque, Gris, Léger ou Van Dongen sont mises aux enchères à des prix dérisoires, au titre des réparations non payées par l'Allemagne à la France. Le Portrait de Mme Kahnweiler de Derain, adjugé à 18 000 francs, obtient le meilleur prix. L'Homme à la guitare, de Picasso, estimé à 2 000 francs, s'envole pour 3 100 francs. Gris ne dépasse pas les 850 francs. Louis Aragon emportera un Braque pour 240 francs.
1941 La Seconde Guerre mondiale l’oblige à nouveau à quitter Paris et se réfugier dans le Limousin pour fuir les persécutions envers les Juifs cette fois. Il vend sa galerie à sa belle-fille et collaboratrice Louise Leiris pour la protéger de l’aryanisation des biens juifs. L'après-guerre est plus apaisée. D'autant que Picasso en fait désormais son seul et unique marchand. Le voilà ambassadeur du maître, conférencier spécialiste du cubisme réclamé aux quatre coins de la planète. C'est la consécration du cubisme.
André Derain, Portrait de Lucie Kahnweiler, 1913
Pablo Picasso, Les Demoiselles d'Avignon, 1907 Fernand Léger, Les 4 Acrobates, 1942-44 Juan Gris, La Guitare, 1913
ANECDOTES
Comme le faisait Durand-Ruel avec les impressionnistes, Kahnweiler offre un contrat à ses artistes à partir de 1910. Il leur réclame l'exclusivité de leur production, dont il fixe lui-même le prix de vente. En échange, chacun reçoit un salaire mensuel, que les toiles se vendent ou non. C'est sûrement cette méthode qui a rendu le cubisme possible, les artistes n'ayant pas à s'occuper de contingences matérielles.
Rien ne prédisposait Kahnweiler à devenir marchand d’art. Dans sa famille, on ne jurait que par la finance. il est envoyé à Paris en 1902 comme stagiaire à la Bourse. Durand sa pause déjeuner, il filait au musée du Louvre ou au musée du Luxembourg. Il trouve enfin sa véritable vocation : marchand d’art. Avec 25 000 francs en poche, il se donne un an pour monter une galerie et en vivre.
Kahnweiler a pris l'habitude , inédite à l'époque, de prendre une photo de chacune des pièces de la galerie. Il a compris qu'il devait s'appuyer sur son cercle de collectionneurs fidèles pour faire vivre la galerie et envoie ainsi les clichés des nouveaux arrivages à ceux qui ne peuvent se déplacer. Cela lui permet aussi de faire connaitre le travails de ses artistes dans les revues étrangères.
« Que serions-nous devenus si Kahnweiler n'avait pas eu le sens des affaires ? »
insistait Pablo Picasso
Écoutez Un homme, une oeuvre. Daniel-Henry Kahnweiler de l'émission Les Nuits de France Culture